Incroyable, depuis le 14 septembre 2010 (décision prise le 4 août), il est possible d'enchérir au sein du programme publicitaire Adwords sur des termes faisant mention d'une marque et ce, même si elle ne vous appartient pas. Autrement dit, il est possible d'acheter à Google des noms de marques déposées et de s'en servir comme mot-clé pour faire de la publicité.
Google a en effet annoncé qu'il allait mettre fin à la possibilité offerte aux détenteurs de marques de s'opposer à l'utilisation par des tiers des marques leur appartenant. La position du moteur de recherche s'appui sur une décision rendue par la cour de justice européenne qui a donné raison en Mars 2010 à Google, estimant que dès lors que le moteur de recherche n'entretenait pas la confusion entre la marque cherchée par l'internaute et les liens sponsorisés pour d'autres marques, il s'agissait d'une proposition alternative. Depuis cette décision, Google ne pourra plus être poursuivi personnellement si des annonceurs utilisent des marques ne leur appartenant pas, sauf s'il est considéré comme ayant un rôle actif (soumis à l'appréciation du juge).
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, il est donc aujourd'hui possible d'enchérir via Adwords* sur les noms de marques de ses concurrents (les annonces doivent respecter le droit des marques), ce que se sont empressés de faire certains annonceurs sans aucun égard au droit des marques.
A titre d'exemple lorsque je lance la recherche sur "rapid-flyer" (le 05/10/2010 à minuit), j'obtient en résultats de recherche : "printpascher, rapid-pub, fr.printmotion, imprim-france, onlineprinters, bonprixflyers, veoprint, princarrier, impression plus etc." (voir image ci-dessous). Bref, des concurrents sauf "rapid-flyer". Vous trouvez ça normal ? Loyale ? Que pensez de l'attitude de ces concurrents ? Peut-on rester sans rien faire ? Dommage que je n'intervienne plus pour rapid-flyer... à suivre.
Il est donc beaucoup plus difficile aujourd'hui de protéger sa marque sur le Web et cela contraint certains détenteurs de marques à enchérir sur leur propre marque (ce qui est un non sens) !!! le comble est que Google pour justifier sa décision indique dans une notice que Le but de Google est de fournir à ses utilisateurs l'information la plus pertinente possible, qu'il s'agisse des résultats de recherche ou de la publicité, et nous pensons qu'un choix plus important leur sera bénéfique. Notre politique vise à répondre de manière équilibrée aux besoins des internautes, des annonceurs et des détenteurs de marque. Ca laisse rêveur !
Je trouve la démarche de google surprenante commercialement et je comprend l'inquiétude de nombreux détenteurs de marques, car en tant que moteur de recherche leader (dominant) sur le marché, elle permet à moindre cout et très rapidement aux concurrents de certaines marques de se comporter en "free rider " (profiter des investissements et de la notoriété des autres à moindre cout). Et les conséquences peuvent être lourdes en perte de clientèle immédiate surtout pour les marques qui vendent uniquement sur Internet (et je sais de quoi je parle, puisque j'ai déjà eu l'occasion en 2007 avec le site de vente en ligne d'impression : "Rapid-flyer" d'en subir les frais pendant plusieurs mois - je reviendrais sur cette expérience dans une prochaine note).
L'Union des annonceurs (UDA) a d'ailleurs immédiatement fait part dans un communiqué du 9 septembre 2010 de son opposition à la nouvelle politique de Google, expliquant que Google par sa décision, prive les annonceurs de moyens essentiels dans leur lutte contre la contrefaçon sur l’internet, le développement des réseaux illégaux de distribution, la dévalorisation de leurs marques et les pratiques concurrentielles déloyales. L'association des agences conseils en communication (AACC) présidée par Nicolas Bordas (patron de TBWA) a également fait part de ses inquiétudes : "« Nous réclamons un retour aux règles précédentes ou, a minima, un moratoire […]. C'est un détournement de marque et de valeur. C'est une position plus déontologique que juridique : est-ce qu'une marque tierce peut se créer un business en profitant d'une marque établie, en la dénigrant ou en lui nuisant ? ». Pour Nicolas Bordas, cette modification d'AdWords « est une forme de prise en otage des marques. Il y a un double effet pervers : les marques qui voudront se protéger devront acheter elles-mêmes les mots-clés, et l'argent dépensé de manière préventive ne sera plus investi dans les médias, qui vont donc y perdre. ». Voir l'article sur ECO89 "Mots clés sur Google : la pub craint les coups tordus".
Bien sur, les concurrents ne sont pas autorisés à faire n'importe quoi et les titulaires des marques pourront toujours s'opposer à ce qu'un concurrent utilise leur nom pour vendre des produits ou services identiques à ceux de la dite marque. Mais pour beaucoup, même s'ils obtiennent gain de cause, (procédures longues et couteuses) les pertes seront considérables durant toute la période d'attente. En réalité, c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres.... qui implique des changements de comportements immédiats de la part des détenteurs de marques et surtout pour ceux qui vendent uniquement via internet : achat du mot clè de votre marque, voir même achat des noms des marques de vos concurrents si ces derniers ne sont pas corrects etc.
Employer la marque d'une autre entreprise comme mot clè ne contitue donc plus automatiquement une violation du droit des marques de cette dernière. Il suffit d'éviter toute ambiguîté dans la rédaction et la présentation de votre annonce commerciale et de vous assurer que l'internaute comprenne aisément que les produits vendus émanent bien de votre entreprise.
Le déteur d'une marque pourra toujours saisir Google mais uniquement s'il estime que l'annonce est de nature à induire le consommateur en erreur. Le retrait de l'annonce incriminé pourra alors se faire a posteriori. "Un propriétaire de marque estimant que l'annonce publicitaire d'un tiers en Europe (lorsqu'elle est déclenchée par sa marque) peut induire les consommateurs en erreur quant à l'origine des produits et services annoncés est en droit de déposer une plainte auprès de Google. Si Google convient que l'annonce en question peut porter à confusion quant à l'origine des biens et services pour les utilisateurs, elle est retirée". Voir la note complète "Changement pour les marques en Europe".
Je reste très surpris du peu de réactions qu'il y a face a un tel changement de la part de Google qui très habilement a annoncé ce changement pendant la période de vacances d'été, mais je compte bien ne pas en rester la sur le sujet et garde l'espoir d'un rebondissement possible en 2011 puisque la décision de justice qui autorise Google à vendre des noms de marques a été renvoyée devant la cour d'Appel de Paris dans le cadre de la plainte déposée par LVMH contre Google. La responsabilité civile de Google pourrait donc être engagée puisque sur la question de savoir si Adwords est un service permettant le détournement des marques, la cour de justice européenne estime que c'est aux juridictions nationales de trancher.
En attendant, rien ne va plus.... et il est grand temps pour tous les acteurs du Web de s'interroger sur la position dominante de Google et de ses dangers. Certes, cette position de Google va faire des heureux mais quid des détenteurs de marques ?
J'attend vos réactions sur le sujet avec beaucoup d'impatience...
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